J’ai l’intention de travailler comme conducteur de train à Londres. Commettrais-je un péché si les voyageurs apportent du vin à bord du train ? Il faut savoir que le conducteur ne sait pas ce que les passagers apportent avec eux puisqu’il se trouve dans une cabine à part. Est-il concerné par le hadith qui évoque dix personnes frappées de malédiction (à cause de leur rôle dans la diffusion du vin) ?
Il n’y a aucun inconvénient à exercer le métier de conducteur de train dans les pays étrangers
Question: 238766
Louanges à Allah et paix et bénédictions sur le Messager d'Allah et sa famille.
Louanges à Allah
Il n’y a aucuninconvénient pour vous à travailler comme conducteur de train dans un pays nonmusulman. Nous ne voyons aucune appréhension justifiant l’abandon d’une telleactivité. C’est un gagne-pain licite, s’il plaît à Allah. Ceci s’explique parplusieurs raisons.
Premièrement, le contratqui vous lie à la société qui gère les trains se limite à la seule conduite etne s’étend pas au contrôle du ‘transport d’objets prohibés’. Or, ce qui comptedans les contrats du point de vue de la responsabilité fondamentale concernantprécisément l’objet du contrat, est, le cas échéant, purement licite. Il s’agitde la conduite.
Quant à la malédictionproférée contre le transporteur du vin, elle est destinée à celui qui l’assureà dessin et signe un contrat pour en tirer profit et aider à sa consommation,choses qui n’ont rien à voir avec la conduite des trains et le pilotage desavions.
Deuxièmement, le servicequi fonde le contrat étant licite, vous n’êtes pas tenu d’interroger lesvoyageurs sur ce qu’ils apportent à bord ni de fouiller leurs bagages. Vousn’en êtes pas responsable. Le transport concerne les personnes. La loireligieuse ne s’intéresse pas à leurs bagages. La vie serait très dure pour lesgens, même en pays musulmans, si chaque chauffeur devait interroger sespassagers sur leurs bagages par crainte qu’ils ne détiennent du tabac ou deséléments prohibés contenus dans les téléphones intelligents d’utilisationcourante aujourd’hui. N’y aurait-il pas là des formes de rigorisme et de zèleque la Charia ne saurait approuver ?
Si nous imposions unetelle charge au conducteur de train et au pilote de ligne, nous devrions allerjusqu’à leur demander d’interroger tous les passagers sur leur destinationfinale et l’objet de leur déplacement. S’il s’avérait que la destination étaitdéconseillée ou l’objet du voyage appréhensible, le conducteur du train ou lepilote s’abstiendrait de décoller ! Nous croyons que personne n’hésite àjuger nulle une telle manière d’établir un lien entre les choses. Il s’y ajouteque de telles considérations ne sont pas reconnues par la charia du moment quele service qui fonde le contrat, en l’occurrence la conduite de train, estlicite et permis .Allah soit loué.
Troisièmement, vous avezmentionné dans votre question que vous ne savez pas ce que les voyageursapportent à abord avec eux. La raison en est que le conducteur se trouvehabituellement isolé des passagers parce que logé dans une cabine à part. Cettesituation rend impossible pour lui de connaitre ce que les passagers apportentà bord dans des valises fermées. L’impossibilité de posséder cette connaissancelui enlève toute responsabilité à cet égard.
Quatrièmement, si nousréfléchissions sur cette règle juridique admise dans l’ensemble : ‘onpardonne dans le dépendant ce qu’on ne pardonne pas dans ce dont il dépend’ nous serions sûrs que la permission correspond au statut prévu dans laquestion posée. En effet, les objets illicites portés par certains est unrésultat non visé du transport. Ce qui résulte d’un acte licite est pardonné.Il s’agit ici du transport des personnes et des bagages ordinaires qu’ilspossèdent.
Les jurisconsultes ont conçu de nombreusesformulations de cette règle. Certaines de ces formulations s’approchentdavantage à l’objet de la présente question. C’est le cas de cette parole del’imam as-Sarakhsi (Puisse Allah lui accorder Samiséricorde) :Un contrat de vente peut avoir une implication qui nepourrait faire l’objet d’un contrat à part. Extrait d’al-Mabsout (11/179). Il en est de même de la parole d’al-Qadouri : Des implications de contrats peuvent nepouvoir faire l’objet de contrats à part. Extrait d’at-Tadjrid (8/3792). C’est encore dans ce sens que l’mamas-Souyouti (Puisse Allah lui accorder Samiséricorde) dit : Dans une affaire, on peut pardonner implicitement cequi ne saurait être pardonné délibérément. Extrait d’al-achyaa wa an-nadzair,p. 120. Voir hachiyatou al-attar alaa charhal-djallal al-Mahali alaa djami djawaami(2/160) et muallimatou Zaidliqawaid al-fiqhiyya waloussouliyyah (11/531).
Figure parmi les exemples de la règle cités par lesjurisconsultes la possibilité de louer un service à quelqu’un qui en fait unusage illicite. C’est le cas d’un chrétien qui prend auprès d’un musulman unemaison en location avec la possibilité de l’utiliser éventuellement pour menerdes activités illicites non annoncées au départ. Ce cas est pardonné. Lebailleur ne commet aucun péché. Seul le locataire en commet. Le premier doitl’en empêcher s’il est mis au courant à temps selon l’avis des Hanbalites.
L’imam Muhammad ibn al-Hassan ach-chaybani(Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit : Si un chrétien résidenten pays musulman loue une maison auprès d’un musulman pour l’occuper, cela nefait l’objet d’aucun inconvénient. S’il y boit du vin ou y pratique le culte dela croix ou y amène du porc, le musulman n’en assume aucune responsabilitépuisqu’il ne lui a pas loué la maison pour cet usage. Extrait d’al-Asl (4/17).
À notre connaissance, aucun uléma n’a ditqu’il est interditde procéder à unelocation licite devant entraîner un usage licite et conforme à l’objet ducontrat pour la seule crainte que l’objet ou le service loué puisse êtreaccidentellementutilisé illicitement.Si un uléma émettait un avis dans ce sens, cela gênerait les gens terriblement.
Ce qui est dit dans la question relève de cechapitre. Le conducteur du moyen de locomotion n’assume aucune responsabilitédans la situation évoquée. La responsabilité incombe exclusivement auxpropriétaires des bagages.
Cinquièmement, cela dit, les ulémas sont tousd’avis qu’on n’estpas tenus de pareraux éventualités peu probables et de les prévenir car ce serait une source degênes et de difficultés dans plusieurs autres secteurs de la vie. C’est dans cesens qu’ils disent qu’il ne faut pas généraliser l’interdiction de la culturede la vigne en dépit du fait que cette culture est un moyen de la production duvin. En effet, la culture est un moyen indirect qui peut aussi entrainer un usagelicite de la part des consommateurs du raisin. Dans ce cas de figure, la règlede prévention des conséquences négatives peu probable ne s’applique pas.
L’imam al-Qarafi (PuisseAllah lui accorder sa miséricorde) dit : Des exemples peuvent être donnéssur ce dont la Umma exclut unanimement l’interdictionet le considère comme un mauvais prétexte à ne pas retenir et un moyen à ne paséradiquer. C’est le cas de la culture de la vigne susceptible de conduire à laproduction du vin. Pourtant personne n’a interdit la production du raisin parcrainte qu’il soit transformé en vin. Extrait d’al-Fouroq (2/42).
C’est exactement le cas dans la présente question.Interdire la conduite des trains sous prétexte qu’un passager pourrait amener àbord des éléments interdits comme du vin ou d’autres produits gênerait les gensterriblement dans les affaires de leur vie et leur fermerait inutilementla porte du licite.
En somme, il n’y a aucun inconvénient à travaillercomme conducteur de train dans un pays non musulman à moins que le contrat detravail précise le transport de marchandises illicites. Dans ce cas, il estinterdit d’accepter la partie du contrat portant sur le transport d’objetsillicites.
Allah le sait mieux.
Source:
Islam Q&A