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Le hadith selon lequel le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) regarda une femme puis alla entretenir un commerce charnel avec son épouse n’est pas exact

Question: 191224

J’ai lu sur Internet depuis peu une histoire qui a failli me coûter ma foi. J’ai entendu raconter un hadith du Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) rapporté par Abou Kabcha al-Anmari (P.A.a) selon lequel:« Le Messager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui) était une fois assis au milieu de ses compagnons. Puis il entra chez lui et ressortit après avoir pris un bain. Nous lui dîmes:

Messager d’Allah! Est-ce tout?

Eh oui! Une femme est passé près de moi et j’ai eu envie d’avoir affaire avec une femme et je me suis rendu auprès de l’une de mes épouses et eu un rapport intime avec elle. Agissez ainsi le cas échéant. Car la satisfaction de votre besoin sexuel de façon licite fait parti de vos meilleurs actes. As-Silsilah as-Sahiha,n° 441.

Ce hadith est il authentique ou pas? Dans le premier cas, comment le Messager d’Allah, qui est l’homme le plus chaste put -il jeter un regard de convoitise sur une femme? Allah nous a interdit de jeter un tel regard sur une femme car ce serait une manière de forniquer des yeux! J’espère recevoir une réponse dans les meilleurs délais. Je risque de perdre ma foi.

Texte de la réponse

Louanges à Allah et paix et bénédictions sur le Messager d'Allah et sa famille.

Louanges à Allah

Premièrement, nombreuxsont les gens, de différentes religions et écoles (de pensée), qui tombent dansun dérapage intellectuel puisqu’ils prennent des histoires, événements et attitudes concernant des individus comme lefondement d’une décision dogmatique et principielle. Beaucoup de ces histoires,fussent elles vraies, portent sur des actes individuels susceptibles dedifférentes interprétations et manipulations et d’être entachées de défautsdans leur teneur comme dans leur chaîne de transmission. Il s’y ajoute que la non maîtrise des contextes sociologique, économique etpolitique d’une histoire peut nous plonger dans la perplexité. On n’est alorsembarrassé au point de ne plus savoir comment saisirl’histoire justement. Quand bien même onsaisirait justement le contexte de l’histoire, le fait de ne l’avoir pas vécuaffaiblit notre capacité de saisir l’histoire.

Ô frère, auteur de la question! Evitez d’empruntercette dangereuse pente glissante! Lescroyances et les principes ne doivent être fondés que sur des bases correcteset solides représentés par les constantes et enseignements statiques quiexpriment le message sublime et les hautes pensées auxquelles on va adhérer.

Les évènements etcomportements individuels racontés doivent être mesurés à l’aide de labalance religieuse car Allah a fixé la mesurede toute chose.Si vous réfléchissiez un peu, vousvous apercevriez du caractère dangereux de ce terrain glissant! Dites, si ondemandait à un homme raisonnable pourquoi il rejette le capitalisme par exempleet que , pour toute réponse, il dirait que c’est parcequ’une banque connut une crise dans les années 1970! Sa réponse serait elleconvaincante? Si on demandait à un homme raisonnable son avissur une personnalité intellectuelled’envergure mondiale et qu’il répondait qu’il ne lui fait pas confiance car ils’est disputé une fois avec l’un des amis de la personnalité en question!Croyez vous que sa réponse repose sur un raisonnement cohérent, logique etconvaincante?

Voilà ce qui vous arrive sivous traitez avec crédulité certaines histoires ,vérifiées ou pas. Vous vous exposeriez à ladéstabilisation, et au déséquilibre dans vos jugements. Il faut toujoursprendre soin des principes, constantes et paradigmes majeurs qui délimitent lesenseignements phares de la religion et laisser les ulémas s’occuper desdétailset de la critique méticuleuse dufond.

De là nous venons répondreà l’histoire racontée dans la question. De nombreuses interrogations ont étésoulevées pour comprendre le contexte de l’histoire, à supposer qu’elle soitavérée. En fait partie la suivante:

-N’est il pas possible quele regard jeté par le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) sur lafemme fut le premier? N’est il pas normal de substituer le licite à l’illicitequand on désire une femme? D’où le lecteur de l’histoire serait allé pêchél’idée selon laquelle le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui)convoita la femme en question? Pourquoi vouloir surcharger l’histoire et lasortir de son contexte normal et acceptable? Le Prophète (Bénédiction et salutsoient sur lui) était un être humain; il mangeait, circulait dans les marchés,s’endormait, se révélait, s’accouplait etfaisait des enfants. Pourquoi désapprouver que son regard tombefortuitementsur une femme et qu’il allaassouvirson besoin licitement chez sesépouses dans le but d’orienter les membres de sa communauté vers le meilleurmoyen d’éviter l’illicite, de barrer la route au diable et sauvegarder sachasteté et sa pureté morale?

Non! Pourquoi pas avoir del’histoire une compréhension digne du rang du Prophète (Bénédiction et salutsoient sur lui) qui traduise son mérite, sa grandeur, et le haut rang qui luiconvienne. Le vêtement d’une blancheur immaculée rend visible la moindre tâchenoire. Le miroir bien poli laisse visible la moindre gratture, la moindrepoussière. Quant au vêtement noir, la femme perverse, elle ne laisse rienapparaître car elle est habituée aux saletéset à la noirceur!!

Avez-vous compris, ôserviteur d’Allah, que cette histoire, à supposer qu’elle soit vraie, révèlel’un des hauts faits du Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) etconstitue un indice de son rang élevé? Celui habitué à regarder les femmes et àcourir derrière le plaisir illicite ne se laisse nullement impressionnéparcette scène éphémère, dût-elle serépéter plusieurs fois. Si une femme s’assoyait à côté de lui dans un véhicule,il resterait indifférent. Certains ne se regretteraient rien si, par malheur,ils commettaientla fornicationincontestablement! La noirceur de leurs cœursne leur ferait pas souffrir et la rouillure de leurs cœurs ne leur serait passensible!

Pourquoi ne comprenez vouspas (que le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) se distinguait parson mépris (de la bassesse) , savolonté de rester pur, de ne porter aucunetâche ou saleté, de ne laisser son vêtement fait de chasteté et puretééclaboussé, de voir terni son miroir bien poli grâce aux stations jalonnant saservitude et sa sollicitation du pardon divin?

Ibn al-Arabial-Maliki (Puisse Allah lui accorder sa miséricorde)a dit : Ce hadith est étrange dans son contenu car cequi arriva au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) était un secretque seul Allah connaissait jusqu’au moment où il le divulgua pour divertir etinstruire les créatures humaines. Il était un être humain donc sensible auplaisir bien qu’infaillible à cet égard. On ne le prend pas religieusementresponsable de ce qu’il ressentit quand il aperçut la femme. Cela ne diminue enrien son rang. Le sentiment d’admiration qu’il éprouva est naturellement instinctive. C’est son infaillibilité qui lui permit de letranscender et de se rendre auprès de son épouse à laquelle il transférasincèrement son admiration, son plaisir humain géré avec une parfaitechasteté. Extrait d’Aaridha al-Ahwazi (5/106).

Deuxièmement, nous allonsencore plus loin pour vous apprendre que l’authenticité de l’histoire estdiscutable, même si des ulémas le prennentcomme tel. Pour de nombreuxtraditionnistes, l’histoireneconcerne pas le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) mais elle arrivaau compagnon qui la relata. Ceci induit les rapporteurs à l’erreur au point deles faire attribuer l’histoire au Prophète (Bénédiction et salut soient surlui). Voilà ce qu’on appelle en science du hadith ‘affaiblissement du hadithhautement attribué en le présentant sous la formed’un hadith dont la chaîne de transmissions’arrête à un homme de la génération qui suit celle des compagnons’, unimportant chapitre traitant des défauts qui affectant les histoires et leshadiths. D’autres versions authentiques résument le hadith ainsi: S’il arriveà l’un d’entre vous d’admirer une femme, qu’il se rende auprès de son épouse ets’accouple avec elle. Car cela assouvit son besoin Ces versions n’évoquent pasl’histoire en question, ce qui met en doute sa réalité.

Nous allons nous étendresur l’examen des versions de l’histoire pour les apprécier. Voici les hadithsrelatifs à ce chapitre:

Le premier hadith: d’aprèsAbou Zoubayr, Djabir (P.A.a) a rapporté que le Messager d’Allah (Bénédiction etsalut soient sur lui)aperçut une femmepuis se rendit auprès de sa femme qui était en train de frotter une peaumacérée et assouvit son besoin. Ensuite, il ressortit rejoindre ses compagnonset leur dit: La femme affiche une forme diaboliqueaussi bien quand elle arrive que quand elle repart.Quand l’un d’entre vous fixe un regard (de convoitise )sur une femme,… qu’il se rende auprès de son épouse… cela l’apaise. Ceuxqui ont reçu ce hadith d’Abou Zoubayr ont eu unedivergence sur deux aspects:

Le premier est qu’unepartie d’entre eux a mentionné l’histoire de la vision de la femme par leProphète (Bénédiction et salut soient sur lui) et son passage par la suiteauprès de la mère des croyants, Zaynab (P.A.a). Les auteurs de cette version sont Aboul Alia et Hishamad-Doustwaai).

S’agissant de la version deHarb ibn AbilAliya, elleest citée dans Mousnad d’Ahmad (22/407) et dans Sahih Mouslim n°1403).

Quant à la version de Hicham ad-Doustwaai, Abdou ibn Houmayd l’a citée dans al-mountkhabn° 1061 et Mouslim dans son Sahihn° 1403 et Abou Dawoud dans ces Sunann° 2151 et at-Tirmidhi dans ses Sunann° 8/235 et Ibn Hibban dans son Sahih(12/384) et at-Tabarani dans son al-Mou’djamal-kabir(26/50) et dans al-Mou’djam al-awsat (3/34). Il dit que ce hadith n’est reçu d’Abi Zoubayr que par Hisham et que Mouslim l’a cité etnon al-Bokhari. Le hadith est encore cité dans as-Sunan al-koubraa(7/90).

Le deuxième aspect consistedans l’omission de l’histoire et la citation de la seule partie ‘enseignementverbal’ du hadith. Il est rapporté sous cette forme par Maaqalibn Abdoullah al-Djazri, Abdoullah ibn Abdoul Aziz ibn Djourayh,Abdoullah ibn Louhay’a etMoussa ibn Ouqba.

La version d’Abdoullah ibn Maaqal est citéepar Mousilm dans son Sahih n°1403 en ces termes:«Salamah ibn Chabibnous a raconté qu’al-Hassan ibn A’younlui a raconté d’après Abou Zoubayr que Djaber (P.A.a) a affirmé avoirentendu le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui )dire: Quand l’un d’entre vous se trouve subitement séduite par une femme,qu’il aille immédiatement s’accoupler avec sa femme pour s’apaiser.

La version d’Ibn Djourayh est reprise par Ibn Hibbandans son Sahih (12/385) et par ad-Doulabidans al-Kouna wal-asmaa(3/1192). Quant à la version d’Abdoullah ibn Louhay’a et celle de Moussa ibn Ouqba,on les retrouve dans le Mousnad d’Ahmad(23/77) et (23/402) et dans I’tilal al-qouloub d’al-Kharaiti(1/124).

Desrapporteurs emploientces termes: A son arrivée comme à sondépart, la femme affiche une forme diabolique Ce sont Hichamad-Doustwaai et Harb ibn Abil Aliya. Les autresrapporteurs se contentent de citer :Quand l’und’entre vous fixe son regard sur une femme (et la désire) qu’il se rendreauprès de sa femme…pour s’apaiser.

Ceci indique clairement lejugement à porter au hadith et les termes discutables diffèrent grandement d’unrapporteur à un autre. On retrouve ces termes dans l’histoire du passage duProphète (Bénédiction et salut soient sur lui) immédiatement aprèsavoir aperçu une femme et la description dela femme selon laquelle ‘elle arrive sous une forme diabolique’. (comprenez qu’elle est naturellement source d’une potentielletentation, de quel que côte qu’on l’envisage!)

Le hadith est rapporté par six élèves d’Abou Zoubayr dont quatre n’ont employé les termes controversés.Seuls deux, dont un jugé faible, en l’occurrence AboulAliya, ont employés les termes incriminés. Ce quisuscite de sérieux doutes à proposde laprésence de lacunes dans l’histoire. Deux autres lacunes renforcent le doute.Lapremière réside dans la rupture constaté dans la version d’Abi Zoubayr reçue de Djaber. A cepropos, al-Imam adh-Dhahabi(Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit :«Ontrouve dans le Sahih de Mouslimde nombreux hadiths dans lesquels Abou Zoubayrn’indique pas clairement qu’il reçut ce qu’il a rapporté de Djaber.Ce sont des versions qui ne passent pas par la voie de Layth.On est en droit d’en douter. En fait partie ce hadith: Le Prophète(Bénédiction et salut soient sur lui) aperçut une femme et elle la séduit. Ilse rendit à l’instant auprès de sa femme, Zaynab.Extrait de Mizan al-itidal(6/335).

La seconde lacune résidedans l’imprécision de la chaîne. Une partie des élèves d’Abou Zoubayr l’ont reçu de luicomme s’il l’attribuait hautement (au Prophète) sans citerl’intermédiaire, l’éminent Compagnon, Djaber ibn Abdoullah (P.A.a). Or un hadithtransmis de la sorte est faible car on ignore si l’intermédiaire est sûr oupas, ce qui permet de douter de la fiabilité de la version.

L’imam an-Nassai(Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit :Qoutayba ibn Said dit que Harb lui a raconté d’après Abou Zoubayrque le Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) était une fois assis aumoment où une femme en passage le séduit…forme diabolique… Il ne prononçapas la suite. On dirait que cette version est plus crédible que la précédente.Voir as-Sunan al-koubra(8/235). Voilà qui fit dire à l’imam adh-Dhahabi(Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) après avoir cité le hadithet d’autres: Il y a là des choses étranges.Elles se trouvent dans le Sahih de Mouslim Extrait de Siyar a’laaman-noublaa (5/385).

Le deuxièmehadith: d’après Mouawia ibn SalihAzhar ibn Said al-Harazi a dit:«J’ai entendu Abou Kabchaal-Anmari dire : nous étions assis en présence duMessager d’Allah (Bénédiction et salut soient sur lui). Puis ce dernier entrachez lui puis ressortit après avoir pris un bain. Nous dîmes:

-Messagerd’Allah! Qu’est-ce qui s’est passé?

-En effet,Untelle passa près de moi et j’éprouvai un désir (sexuel), ce qui me poussa àaller m’accoupler avec l’une de mes femmes. Faites en de même (le cas échéants)car l’assouvissement licite de vos désirssexuels fait parti de vos meilleurs actes.» (Rapporté par l’imam Ahmaddans al-Mousnad (29/557) , par at-Tabarani dans al-Awsat(4/159) Ce dernier l’a commenté en cestermes:« Ce hadith n’a été rapporté par Abou Kabchaqu’à travers cette chaîne que seule Mouawia ibn Salih a employée. La chaîne est faible à cause de laprésence d’Azhar ibn Said al-Harazidont la biographie est reproduite dans Tahdhibat-tahdhib(1/203), dans at-tabaqatal-koubraa (7/460) etdans Tarikh al-Islam(3/370). On ne trouve dans sa biographie aucune transmission vérifiée etcritiquée. Son état de fiabilité est ignorée. Ibn Saadl’a qualifié de ‘avare en hadith’

Quant à Mouawia ibn Salih, des ulémas ontbien approuvé une partie de ses hadiths. Cependant les grands critiques duhadith tels Yahya ibn Said al-Qattan, Abou Hatim ar-Razi et Yahya ibn Main, l’ontjugé faible.» Voir Mizan al-I’tidal de Dhahabi(6/456).

Le troisième hadithest rapporté par Israel ibn Younouset Soufyan ath-Thawrid’après Abdoullah ibn Hallamselon lequel Abdoullah ibn Massoud (P.A.a) a dit: Quand l’un d’entre vous voit une femme quile séduit , qu’il aille s’accoupler avec sa femme. Car celle-ci est commel’autre.

Soufyan ath-Thawri a ainsi rapporté lehadith grâceà une chaîne qui s’arrêteau niveau d’un compagnon (du Prophète). La version de Soufyanefigure dans al-Mousannaf d’Ibn Abou Chayba (4/321).

Israel ibn Younous fait remonter lachaîne au plus haut niveau car il attribuele hadith au Prophète (Bénédiction et salut soient sur lui) et y inclutl’incident suscité. Toutefois, les traditionnistes ont dit que la version de Soufyan ath-Thawri est bien plussolideque celle d’Israelibn Younous. Les deux imams que sont Abou Hatim ar-Razi , dans al-Ilal (3/673) et ad-Daraqoutni dans ses Ilalà lui (5/197) ont jugé la version arrêtée au niveau d’Ibn Massoud pluscrédible. Voir une partie des Ilal d’Ibn Abi Hatim (2/183-192)

En outre ,adh-Dhahabi dit dans Mizan al-I’tidal fii naqdi ridjal (4/87) qu’Abdoullah ibn Hallam est à peineconnu.»

En somme, il semble plus évidentque l’attribution de l’incident en question au Prophète (Bénédiction et salutsoient sur lui) n’est pas fondée. La citation du hadith par l’imam Mouslim implique la véracité de l’essentiel du hadith, àsavoir la partie verbale, l’enseignement. C’est pourquoi on l’a cité avecl’autre partie comme on l’a déjà indiqué. Quant à l’authentification du hadithdans son intégralité y compris la cause mentionnée dans la version (deHarb et Hisham) reçue d’Abi Zoubayr d’après Djaber, ellen’est pas nécessairement acceptable selon la méthodologie suivie par l’imam Mouslim dans son Sahih. Asupposer toutefois que le hadith soit authentique, nous en avons déjà donné labonne interprétation.

Allah le sait mieux.

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