Je sais que l’homme du commun n’est pas en mesure de comparer les arguments religieux et d’en choisir le plus fort et qu’il ne peut qu’interroger un ulémas qu’il croit sûr. Ce qui veut dire qu’il ne doit pas se fier à sa propre opinion pour favoriser les arguments d’une des parties qui s’opposent. J’ai l’habitude de ne pas interroger un cheikh en particulier car il y a beaucoup de cheikhs sûrs qui expriment des avis durs et déconnectées des réalités. C’est le cas, par exemple, de ceux qui excluent tous les groupes islamiques de la communauté sauvée(!) Ce qui me pousse à vérifier les arguments des deux parties..
Je compte désormais sur deux choses:
1. L’adoption de l’argument (valable)
2. La modération des objectifs de la Charia.
Parfois je pose une question et reçoit une réponse que je trouve complaisante. Ce qui m’amène à interroger quelqu’un de plus rigoureux. S’il m’apporte une réponse claire tirée du livre et de la Sunna, je l’adopte. Inversement, il m’arrive de poser une question et reçoit une réponse que je trouve dure voire extrémiste. Ce qui me pousse à interroger un autre cheikh. Si son avis s’avère plus modéré et bien argumenté, je l’adopte.
Voici un exemple: selon un avis, on n’est pas tenu de reprendre une prière au cours de laquelle on a omis par ignorance une de ses conditions de validité car le Messager (Bénédiction et salut soient sur lui) n’avait jamais ordonné la reprise d’une telle prière. Il s’y ajoute que la reprise m’est pénible étant donné la fréquence des fautes que je découvre après coup dans mes prières. Devrais-je à chaque fois reprendre une prière défectueuse? Ne passerai-je pas toute ma vie en prière alors?
La question que je pose ici est la suivante: est-il juste, comme je le fais en tant que femme du commun, de me fier, en cas de doute, à l’argument que je trouve convaincant et d’éloigner les fatwas d’une dureté évidente, étant donné que l’allègement des difficultés fait partie des objectifs de la Charia?
Pour être plus explicite, voici des exemples relatifs aux avis dont je trouve l’application pénible comparés aux avis contraires:
– la reprise d’une prière dans laquelle une de ses conditions a été omise par ignorance;
– juger mécréant celui qui écoute un autre se moquer de la religion sans être d’accord avec lui;
– porter des chaussettes au lieu de se contenter de laisser les franges de sa robe couvrir ses pieds par pendant qu’on prie afin de disposer d’une liberté de mouvement.
Ayant reçu une multitude de fatwas, j’en ai retenu celle qui ma rassure le plus
Question: 229013
Louanges à Allah et paix et bénédictions sur le Messager d'Allah et sa famille.
Premièrement, le danger que tout le monde, ulémas, comme communs des mortels, doivent éviter réside dans l’approche sélective fondée uniquement sur la passion, le plaisir et la convenance (personnelle). Choisir délibérément les fatwas (avis religieux) qui libèrent le musulmans de toutes les entraves et lui ouvrent la porte du pardon qui dispense de tout engagement opposé à la passion ou porteur de la moindre difficulté. Car l’âme très incitatrice au mal nous y pousse et nous le fait aimer.
Celui qui se trouve en cet état s’expose à un danger énorme car il risque de se soustraireaux lois religieuses. La passion de l’âme charnelle n’a pas de limite. Quand elle fixe lanorme permettant de choisir l’une des fatwas, elle se légitime. Ce qui rend le traitement difficile et le remède impossible à trouver. Le Très-haut dit: Je ne cherche pas à m’innocenter moi-même, car c’est le propre de la nature humaine à pousser au mal, à moins qu’on ne soit touché par la grâce d’Allah, car Il est Clément et Miséricordieux. (Cora,12:56) Le Puissant et Majestueux dit: Ô David ! Nous faisons de toi un vicaire sur Terre. Juge entre les hommes en toute équité et garde-toi de suivre tes penchants, si tu veux rester dans la Voie du Seigneur, car ceux qui dévient de la Voie du Seigneur subiront de terribles châtiments pour avoir oublié le Jour du Jugement. (Coran,28:26). Le Transcendant dit: tandis que celui qui, redoutant de comparaître devant son Seigneur, aura dompté ses passions, c’est le Paradis qui constituera son séjour. (Coran,79:40-41).
Ibn Qayyim al-Djawziyyah (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: «Il n’est pas permis au mufti d’appliquerles avis et points de vue de son choix sans les examiner et les comparerà d’autres assez sérieusement. Il ne faut pas qu’il se fieà leur attribution à un imam ou à leur citation comme des points de vue défendus par un groupe. Il ne faut pas qu’on s’appuie sur cela pour choisirarbitrairementet appliquer des avis et opinions. Car , agir ainsi revient à ériger sa propre volonté en norme utilisée pour trancher, ceci étant interdit à l’avis unanime de la Umma.
C’est comme ce que la cadi, Aboul Walid al-Badji, avait raconté de l’un de ses contemporains qui s’était auto déclaré mufti. Il disait: Ce que je puis faire pour mon ami qui a une affaire à juger ou une fatwa à expliquer, c’est de lui répondreà la lumière de l’avis qui lui convient le mieux. Al-Badji poursuit:« Un homme de confiance m’a informé qu’un incident lui arriva et un groupe de muftis lui donna en son absence un avis préjudiciable. Une fois de retour, il s’adressa auxdits muftis directement. Ils lui dirent: Nous ne savions pas que l’affaire te concernait. Puis ils lui donnèrent l’avis contraire qu’il préférait. Al-Badji ajoute:« tous les musulmans dont l’avis doit être considéré pour la validité d’un consensus pensent qu’un tel comportement n’est pas permis. Malick (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit à propos de la divergence de vues qui opposait les compagnons (P.A.a):Les uns avaient raison et les autres avaient tort. Fais un effort de réflexion.
En somme, il n’est pas permis de pratiquer ni de donner un avis religieux de manière subjective et arbitraire. Il n’est pas permis non plus de ne retenir, de n’appliquer et de transmettre que l’avis qui nous convient ou convient à notre partisan et lui sert deréférence dans ses jugements, tout en appliquant le contraire à son ennemi. C’est la plus grave des déviances et l’un des péchés majeurs. Allah est le garant de l’assistance.» Extrait d’a’laamal-mouwaqquiin (4/162).
C’est le sens de ce que nous trouvons dans les ouvrages des ulémas sur l’interdiction de la ‘chasse aux facilités’. Cette sélection est délibérée et elle a pour motif la passion et le désir personnel. Elle est inspirée par la recherche de la facilité, de ce que l’on convoitise, d’un moyen de se soustraire aux lois religieuses. Voilà ce qui est interdit.
Salman at-Taymi a dit: Si on applique toute dispense offerte par un uléma, on aura cumulé tout le mal. Abou Omar ibn Abdoul Barr a commenté les propos ci-dessus cités en ces termes: C’est un consensus qui n’est contesté par personne, à ce que je sache. Allah soit loué. Extrait de Djamiou Bayanil ilm wa fadhlihi (2/927).
L’imam an-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde)a dit: Est-il permis à celui qui s’est choisi une doctrine juridique d’imiter l’avis d’une autre doctrine de manière opportuniste et pour collectionnerdes dispenses?
Voici sa réponse:
. Extrait des fatwas an-Nawawi,p.235).« Il n’est pas permis de se livrer à la chasse auxdispenses
L’imam Chatibi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) a dit: Quand un homme religieusement responsable, se met chaque fois qu’il a un cas juridique à régler à rechercher les différentes facilités offertes par les diverses doctrines juridiques et de sorte à n’en retenir que ce qui lui plaît, il se sera débarrassé du joug de la crainte (d’Allah), se sera entièrement livré à sa passion, aura rompu ce que le Législateur a bien fixé et aura retardé ce que le Législateur a mis devant. Extrait d’al-Mouwafaqaat (3/123).
Deuxièmement, quand un homme du commun examine les arguments des chercheurs avancés en droit musulmans ou muftis et tient compte de la nécessité d’éviter tout ce qui entraîne une difficulté extraordinaire inhérente à l’un des avis, et parvient, après avoir lu commentaires et explications exhaustives étayant leurs avis, à se donner une conviction déterminée, il n’y a aucun inconvénient pour lui à suivre ce dont il est convaincu dans la limitedes données qu’il aura recueillies. Il n’ y a aucun inconvénient non plus à se fier à son choix, quand bien même il s’avèrerait l’option la plus facile car on n’aurait pas agi sous l’impulsion de la passion et du désir personnel mais pour un motif légal recherché, à savoir avoir le cœur net parce qu’éclairé par un argument convaincant et mu par la bonne opinion à nourrir à propos de la charia, selon laquelle celle-ci n’est pas faite pour rendre la vie trop difficile et n’accepte pas non plus un amalgame de facilités ni une démission par rapport aux charges religieuses.
Bien au contraire, nous invitons le commun des mortels à suivre cette voie (celle d’un choix appuyé sur des arguments justes). Nous préférons qu’on n’adopte pas n’importe quel avis avec soumission. Au contraire, nous exhortons tous à la recherche, à la méditation ,
à la réflexion et à tenter de découvrir certains outils de la recherche religieuse pour augmenter ses connaissances en la matière tout en restant dans le cadre de la science et dessavants (en religion) sans mener un effort d’interprétation indépendant et sans émettre des avis exceptionnels ni se mesurer arrogamment aux ulémas au point de faire fi de leurs avis.
L’imam an-Nawawi (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit: Quand on est en face de deux fatwas conflictuelles émises par deux muftis, les condisciples (chafiites) proposent cinq approches. Le cinquième consiste à en choisir une. C’est ce qui est plus juste selon cheikh Abou Isaaq ach-chirazi et al-khatib al-Baghdadi et cité par al-Mahamili au début d’al-Madjmou comme étant le choix de la plus part de nos condisciples (chafiites). C’est aussi le choix de l’auteur de ach-Chamil, au cas où celui qui doit choisir juge les deux muftis égaux. Il semble que la cinquième approche soit la plus évidente. Car celui qui doit faire un choix n’est pas habilité à pratiquer l’idjtihad (effort personnel d’interprétation des textes religieux). Dès lors, il est tenu d’imiter un uléma apteà le pratiquer. Ce qu’il aura fait en adoptant l’un des avis conflictuels. Extrait d’al-Madjmou (1/56).
Les ulémas autorisent à celui qui sollicite une fatwa d’adopter celle émise par le mufti de son choix, pourvu qu’il soit issu des jurisconsultes compétents en la matière donc non soumis à l’emprise de la passion et du plaisir chanel. On peut a priori en déduire qu’il est permis au commun des motels d’imitercelui qui le rassure par la force de ses arguments et sa capacité à convaincre.
Les chafiites ont rapporté d’après l’érudit, Ibn Daquiq al-iid, son autorisation de pratiquer ce type de choix sur les fatwas émises par des ulémas compétents, à condition «d’être rassuré par l’imitation à faire , d’être convaincu que l’auteur de la fatwa choisie n’est pas de ceux qui jouent avec la religion et font preuve de laxisme. Ce qui prouve la nécessité de tenir compte de cette condition, c’est sa parole: le péché c’est ce qui vous intrigue… qui tranche. Voilà qui indique clairement que tout ce qui vous intrigue risque de vous pousser à commettre le péché.» Extrait d’al-bahr al-mouhit (8/377).
On lit dans al-mouswaddah fii oussoul al-fiqh,p.518:« Si le commun des mortels est autorisé à imiter le mufti de son choix, on peut déduire des propos de nos condisciples et ceux d’autres qu’il n’est pas du tout permis de se livrer à la chasse aux dispenses (facilités). Ahmad reçut un avis pareil des ancêtres pieux. Abdoullah fils d’Ahmad a rapporté de ce dernier:«J’ai entendu Yahya al-Qattan dire: Si un homme se livrait à la chasse aux dispenses, il accepterait l’avis des médinois sur la musique, l’avis des habitants de Koufa sur le jus de raisin fermenté, l’avis des Mecquois sur le mariage temporaire, et serait un dévié.
Adopter l’avis le plus facile s’impose toutefois quand l’autre avis risque provoquerla gêne chez le difèle ou de créer une difficulté extraordinaire pour l’intéressé, et quand l’argument l’étayant n’est pas clair et tranchant dans son indication du sens recherché par le fidèle ou quand il n’a pas du tout reçu un argument à propos de la question ou quand il se trouve en face d’arguments contradictoires alors qu’il est apte à en faire un examen critique permettant de savoir le plus solide ou quand il se trouve en présence d’avis conflictuels émis par des muftis alors qu’il n’est pas en mesure d’en choisir un, (dans tous ces cas) il n’y pas d’inconvénientà adopter la règle de la facilitation, de l’exclusion des difficultés et de la gêne pour juger l’un des avis plus acceptable que l’autre. Voilà un principe religieux reconnu qu’une multitude de textes confirment dans l’ensemble. Voir pour davantage d’informations la réponse donnée à la question n° 223879. Pour en savoir plus encore, voir la réponse donnée à la question n° 105721, la réponse donnée à la question n° 148057, la réponse donnée à la question n° 224164.
Nous attirons l’attention sur le fait que les trois sujets mentionnés dans votre question sont abordés dans notre site:
Dans la fatwa n° 193034, on explique que la femme qui ne couvre pas ses pieds quand elle prie n’a pas à reprendreses prières du passé faites de la même manière.
Dans la fatwa n° 153367, on explique qu’il est plus parfait pour la femme de se couvrir les pieds à l’aide de sa longue robe et que cela la dispense du port de chaussette.
Dans la fatwa n° 149104, onexplique que celui qui écouteune personne qui se moque de la religion et approuve ses propos, tombe dans l’apostasie. Quant à celui qui écoute de tels propos et les désapprouve, nous n’avons entendu personne dire qu’il devient mécréant. Néanmoins, il commet un péché s’il s’abstient d’exprimer sa désapprobation tout en étant capable de le faire.
Allah le sait mieux.
Source:
Islam Q&A
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