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23,64310/02/2016

Quand un homme peut-il être jugé mort?

Question: 230086

La mort réelle est-elle du cœur ou celle du cerveau?

Texte de la réponse

Louanges à Allah et paix et bénédictions sur le Messager d'Allah et sa famille.

Louanges à Allah

Premièrement, lecerveau comporte trois structures:

– la cervelle, siègede la pensée, de la mémoire, et des sens;

-le cervelet dont la fonction est d’assurer l’équilibredu corps;

– le tronc cérébral,centre principal de respiration, de la maîtrise du cœur et de la circulationsanguine. La mort d’une structure du cerveau n’empêche pas l’individu decontinuer de mener une vie végétative. Quant à la mort du tronc du cerveau,elle provoque la fin de la vie humaine selon les médecins. En effet, un desorganes ou des principalesfonctions, comme le battement du cœur et la respiration peuvents’arrêtermomentanément et être rétablispuisqu’on peut sauver un nombre de malades aussi long tempsque le cerveau reste vivant.

En revanche,quand le tronc du cerveau est mort, aucun espoir de sauver le malade ne restepuisque sa vie est déjà finie, même si des organes du corps continuent des’animer. Voir la revue de l’Académie islamique de jurisprudence (A2 J2,p.440).

Plusieursdispositions juridiques sont fondées sur ce qui précède:

– peut-on jugerun homme mort quand seul son cerveau l’est ou faut ilque son cœur aussi le soit?

-est-il permisde retirer les appareils de réanimation branchés à un homme cérébralementmort mais dont le cœur continue de fonctionner?

S’agissant duretrait des appareils de réanimation branchés à une personne que les médecinsont jugé cérébralement mort, la majorité des jurisconsultescontemporains pensent qu’il est permis car on ne doit pas maintenir les appareils quand il n’ y a plusaucun espoir de guérir le malade. Des résolutions des académies juridiques vontdans ce sens. Voir la réponse donnée à la questionn° 115104.

Deuxièmement,quant au jugement relatif à la mort du point de vue religieux, il fait l’objetd’une divergence de vues fondéesur la question de savoir si la mortdu tronc du cerveau marque la fin de la vie humaine. Deux avis s’en dégagent:

Le premier avisest que la mort du cerveau non suivi de la mort du cœur est une mort réelle carl’arrêt des battements du cœur n’est pas nécessaire pour qu’on puisse jugerquelqu’un mort. Voilà ce que l’Académie Islamique de Jurisprudence del’Organisation de la Coopération Islamique a décidé lors de sa dernière sessiontenue à Amman en 1986. Voir la revue de l’Académie Islamique de jurisprudence(A3/J2/809). On lit dans la résolution:« Une personneest jugée légalement morte et devient l’objet de l’application de toutes lesdispositions légales concernant la mort, au constat de l’un des deux signes:

Premièrement,l’arrêt total des battements du cœur et de la respiration jugé définitif parles médecins;

Deuxièmement,l’arrêt définitif de toutes les fonctions dépendant du cerveau assorti dujugement de médecins spécialistes selon lequel il s’agit d’une situationirréversible puisque le cerveau commence à se désintégrer.» Extrait desrésolutions et recommandations de l’Académie Islamique de Jurisprudence (p.12).

Leur argumentconsiste à dire que quand le nouveau-né ne crie pas, on le considère pasvivant, même s’il respirait ou urinait ou bougeait. Tout acte involontaire quine répond pas à un ordre venu du cerveau ne constitue pas un signe de vie. Untel acte pouvant émaner de celui dont le cerveau est mort, on peut l’assimiler àl’état du nouveau-né qui n’a pas crié.

Cet argument estdiscutable car la situation du nouveau-né est différente car sa vie estentourée de doutes, ce qui la différencie de la situation qui nous préoccupe.En principe , le malade est présumé vivant jusqu’àpreuve du contraire.

Le deuxième avisest que la mort du cerveau non suivie de la mort du cœur n’est pas une mortréelle car il faut que le cœur arrêtede battre pour qu’on puisse juger unhomme mort.

Voilà larésolution prise par l’Académie Juridique dépendant de la LigueIslamique Mondiale lors de sa 10esession tenue à La Mecque en 1408 H. On lit dans la résolution:Le malade qui survit grâce à des appareils de réanimation peut en être privéquand toutes les fonctions de son cerveau s’arrêtent définitivement et quandune commission composée de trois médecins spécialistes décide que ledit arrêtest irréversible, même si les battements du cœur et la respiration continuaientà cause des appareils. Mais le jugement religieux déclaratif de la mort ne peutêtre prononcé qu’après l’arrêt total des battements du cœur et de larespiration, suite au retrait des appareils. Extrait desrésolution de l’Académie Juridique Islamique de la Ligue, p.49. Ilstrouvent un argument dans l’histoire des gens de la Caverne évoquée dans laparole du Très-haut: «Quand les jeunes se furentrefugiés dans la caverne, ils dirent: Notre Seigneur, donne-nous de Ta partune miséricorde; et assure-nous la droiture dans tout ce qui nous concerne… Alors, nous avons assourdi leurs oreilles dansla caverne pendant de nombreuses années. Ensuite, nous les avons ressuscitésafin de savoir lequel des deux groupes saurait le mieux la durée exacte de leurséjour. Nous allons te raconter leur récit en toute vérité. Ce sont des jeunesgens qui croyaient en leur Seigneur; et nous leuravions accru la guidée. Nous avons fortifié leurs cœurs:lorsqu’ils étaient levés pour dire: Notre Seigneur est le Seigneur des cieux etde la terre jamais, nous n’invoquerons de divinité en dehors de Lui, sans quoi,nous transgresserions dans nos paroles. Voilà que nos concitoyens ont adopté endehors de Lui des divinités. Que n’apportent-ils sur elles une preuve évidente.Quel pire injuste, donc que celui qui invente un mensonge contre Allah? Et quand vous vous séparez d’eux et de ce qu’ilsadorent en dehors d’Allah, refugiez-vous dans la caverne:votre Seigneur répandra Sa miséricorde sur vous et disposera pour vous unadoucissement à votre sort». Tu auras vu le soleil, quand il se lève,s’écarter de leurcaverne vers la droite ,et quand il se couche , passer vers la gauche , tandisqu’eux-mêmes sont là dans une partie spacieuse (de la caverne)… Cela est unemerveille d’Allah. Celui qu’Alla guide , c’est lui lebien guidé. Et quiconque Il égare, tu ne trouveras alors pour lui aucun alliépour le mettre sur la bonne voie. (Coran, 18:10-17).

Le fondement del’argument se trouve dans la parole du Transcendant:puis nous les avons ressuscité… c’est-à-dire :réveillé. Ces versetsindiquent clairement que la seule perte de la sensation et de conscience nesuffit pour qu’on puisse juger un homme mort, d’après ce qui se dégage du nobleverset. C’es encore parceque la certitude ne peut être délaissée au profit du doute. La certitude , dans le cas controversé, est la vie en principeprésumé du malade dont le cœur bat encore. Le doute porte sur sa mort étantdonné la mort de son cerveau, ce qui nous pousse à tenir compte de lacertitude. Le malade reste en principe vivant et nous retenons ce principejusqu’au moment où nous serons sûrs de sa mort. Il s’y ajoute que la mort réelleselon lesjurisconsultes consiste dans la séparation entre l’âme et le corps. La vraieséparation vide tous les organes des effets de l’âme de sorte qu’aucun appareils du corps n’en sera plus animé.

Cheikh Abou Bakre Zayd dit:«de même qu’un seul arrêt cardiaque ne justifie pas la déclaration de la mort del’individu à cause de la subsistance du doute, de même la mort du cerveau endépit du battement du cœur et de la continuation de la respiration grâce à desappareils ne justifie pas la même déclaration. De même que leseul arrêt du cœur n’est pas une mort réelle mais l’un de ses signes car ilpeut se remettre à fonctionner grâce à la réanimation ou sans elle… de mêmeon peut dire que la mort du cerveau est un signe de la mort mais elle n’est pasla mort totale car il y a des cas et de nombreux incidents au cours desquelsles médecins ont déclaré la mort du cerveau d’un malade qui pourtant a ensuitesurvécu. Aussi doit-on s’en tenir à la décision prise par les ulémasselon laquellela mort réelle consiste dans la séparation entre l’âme et le corps. C’est icique le mot d’al-Ghazali prend toute son importance lorsqu’il dit:(ledécès ) se constate quand les organes ne sont plus animés c’est-à-dire quandaucune partie de l’homme n’est plus en contact avec l’âme. Allah Très-haut lesait mieux. Extrait de fiqh an-Nawawil (1/232).

Peut-être est-ilplus prudent- Allah le sait mieux- de ne juger quelqu’un mort que quand on estsûr de l’arrêt définitif de son cœur et de sa respiration, même si l’arrêt dufonctionnement du cerveau constitue un signe fort de sa mort. Toutefois lejugement déclaratif de la mort entraîne l’application de dispositions légalescomme la répartition de son héritage, le remariage de sa femme si elle ledésire entre autres. Voilà pourquoi on ne déclare la mort de quelqu’un sans enêtre sûre. On ne juge pas quelqu’un mort pour un simple arrêt de la respirationou des battements du cœur ou à cause de la mort du tronc de son cerveau endépit de la persistance de l’un des signes extérieurs qui permet de croirequ’il est encore vivant.

Si la mortconsiste dans la séparation entre l’âme et le corps, cette séparation ne relèvepas du sensible car l’âme ne tombe sous les sens. Sa séparation avec le corpsn’en possède pas moins des signes dont les juriconsultesont tiré la mort de celui qui les porte. C’est comme l’arrêt du fonctionnementdu corps, l’arrêt de la respiration, le relâchement des extrémités et desnerfs, l’absence du mouvement du corps, le changement de la couleur du corps,l’ouverture des yeux de sorte que l’œil ne se ferme plus quand on le touche, ladisparition de la tempe, l’inclinaison du nef,l’écartement des lèvres et l’élargissement de la peau du visage. On ne constatepas ces signes chez les malades tombés dans un coma profond qualifiésmétaphoriquement de cliniquement morts. Leurs corps sont animés puisquecertains de leurs organestels le cœur et les reins et d’autres continuent de fonctionner.

Voilà l’avis dela plupartdesjurisconsultes contemporains et des chercheurs , notamment cheikh Bakre Abou Zayd, cheikh Abdoullahal-Bassam (Puisse Allah lui accorder Sa miséricorde)et cheikh Muhammad al-Moukhtarchinquiti dans son traité sur ahkamal-djiraaha at-tibbiyyah.

Voir fiqh an-nawaazilpar Cheikh Bakre Abou Zayd(1/232); ahkaamal-djitaahaat-tibbiyya par Cheikh Muhammad al-Moukhtar chinquiti,p. 325 larevue de l’Académie islamique de l’Organisation de la Coopération Islamique, n°3, vol.2 p. 545.

Cela étant:

1. Il n’est pas justede fonder sur le diagnostic ‘mort cérébrale’ une quelconque des dispositionsconsécutives à la mort légale.

2. La ‘mortcérébrale’ ne justifie pas le prélèvement de l’un des organes vitaux del’intéressé aux yeux de ceux qui autorisent une telle opération sur les mortsexclusivement.

Pour en savoirdavantage, voir al-mawssoua at-tibbiyyaal-fiqhiyya wa an-nawaazil al-mou’assirah(2/36-61)et al-massil at-tibbiyya al-moustadjiddah (2/11) par Dr Muhammad ibn Abdoul Djawad an-Nichtah.

Allah le saitmieux.

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